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dans le train, lisant La Modification
dans le train, lisant La Modification

Blog - le voyage

Aujourd’hui j’ai plaisir à partager avec vous la lecture d’un livre qui m’a plu beaucoup et que je vous recommande de lire, surtout en train - vous comprendrez pourquoi plus bas: 

Michel Butor, La Modification éd. originale 1957 (Editions de Minuit); en Italie : 1959, Mondadori, trad. Oreste Del Buono.

Le voyage ne doit pas être compris seulement dans un sens concret et réaliste, c'est-à-dire de déplacement dans l'espace et le temps, mais aussi dans un sens symbolique de désir, de tension vers la connaissance et la recherche et, vice versa, de détachement, d’exil, de perte, d’éloignement de soi et des choses aimées et/ou familières.

L'Odyssée d'Homère réunit brillamment les valeurs tangibles et symboliques liées au thème du voyage. Le voyage d'Ulysse est celui de son retour de la guerre de Troie vers son Ithaque natal, la patrie quittée et retrouvée avec sa femme Pénélope et son fils Télémaque. Ainsi, le voyage peut être compris tout d’abord par son caractère circulaire (départ / parcours / retour et reconquête) dont ressort in primis le but final à atteindre, à savoir la réalisation d'un objectif (la réunification, le couronnement par la stabilité autour des valeurs originelles). Mais l'histoire d'Ulysse vise non seulement ce but, mais aussi le dépassement de mille dangers, obstacles, épreuves et le vécu de mille expériences. Le voyage devient un exercice de connaissance, au sens le plus large du terme, formant le caractère, exigeant la ténacité, la témérité, le courage et la ruse.

Une autre signification de ce voyage, manifeste dans l'interprétation que Dante propose pour ce même mythe d'Ulysse, est la soif effrénée de connaissance (répréhensible selon Dante), menant à la mort, liée au péché d'orgueil condamné par les décrets divins. De fait, l’insoumission à ce qui est sacré est une autre sombre menace qui attend ceux qui s’aventurent à la découverte de territoires inconnus mais attirants. La révélation de ce qui n'appartient pas à notre culture est souvent mystérieuse et risquée, c'est l'interprétation imparfaite des signes proposés à celui qui explore l'inconnu à l’instigation du divin.

Au XVIIIe siècle, les Lumières ont donné naissance à un autre type de voyage : le Grand Tour. Le voyage devient une source d'éducation et de formation, mais aussi de divertissement, de loisir et d'aventure pour les élites européennes un peu lassées de leur routine quotidienne. À la fin de leurs études, les jeunes sont les protagonistes du voyage, complétant leur éducation. Et puis, bien sûr, il y a les voyages culturels entrepris par des philosophes, des collectionneurs, des amateurs d'art, des romanciers, poètes et artistes : la destination privilégiée est l'Italie, berceau de la civilisation et de l'art. Parmi les expériences de voyage les plus célèbres en ce sens on trouve celles de Goethe, Byron et Stendhal. Des voyages qui souvent, contrastant avec les cours bondées du dix-huitième siècle, permettront de découvrir les randonnées solitaires, les paysages enchantés (lacs, mers, montagnes), nourrissant une sensibilité romantique qui trouvera sans doute son expression culminante dans les toiles de Böcklin.

Pour les romantiques, le voyage prend donc une dimension toujours plus troublante, la fracture entre stabilité et di-version, entre la ferme maîtrise des valeurs et l’aliénation de l’histoire, devenant fondamentale. Le thème de l'exil, comme éloignement forcé de la patrie, est un sujet douloureux que l’on trouve fréquemment dans la littérature romantique. Le voyage en mer est d’ailleurs une métaphore de la vie. Il est comme une navigation qui finit dans un port assailli par la tempête. L'existence (le navire) est destinée à perdre son berger (la raison) et le poète, qui représente le drame humain, se sent à sa propre merci.

Ainsi nous arrivons au tournant du XXe siècle, aux voyages intérieurs de nombreux poètes dits "Maudits", poètes symbolistes en premier lieu (voir "Le voyage" de Baudelaire, mais aussi Rimbaud, Pascoli ou Verlaine). Au milieu du XXe siècle, un roman issu du mouvement du « Nouveau Roman » m'a beaucoup frappé : « La Modification » de Michel Butor. Le livre raconte l'histoire de Léon Delmont voyageant en train de Paris à Rome pour rencontrer sa maîtresse : il veut lui dire qu'il a décidé de quitter sa femme et ses enfants et lui demander de venir vivre à Paris avec lui. Au cours du voyage de 21 heures, le lecteur entre dans la peau et les pensées du personnage, dans le wagon-lit dans lequel il se trouve, mais aussi dans ses souvenirs, ses desseins et ses rêves. Le livre raconte le changement profond qui aura lieu dans le personnage, le temps de ce voyage, si bien qu’arrivé à Rome, il n’ira pas trouver sa maîtresse ....

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